mercredi 25 juin 2014

Le pacte de co-vivance

C'est une expression d'une de mes amies, atteinte d'un cancer. J'ai trouvé ce mot si pertinent, "pacte de co-vivance" que j'ai envie de vous en parler. Il résume toute sa façon d'aborder la maladie. Elle a signé un pacte de co-vivance avec son cancer, grâce auquel elle a négocié le retour à une "vie presque comme elle était avant", pour reprendre ses propres termes.

Le pacte de co-vivance, dans les grandes lignes, a consisté pour elle, de déterminer les limites imposées par son cancer. Fatigue, douleurs, angoisses, déni, peur du futur, perte d'appétits, effets secondaires des médicaments...
Une fois définie ces limites, comment elles impactent ce qui était sa vie d'avant. Et ce qui la gêne.
Ne plus pouvoir sortir ou voir ses amis parce que la fatigue tombe comme une claque, sans prévenir, et qu'elle l'endort en quelques minutes. Avoir mal. Être inquiète.
Avoir les idées floues et des problèmes de mémoire parce que le traitement l'assomme...
Avoir besoin d'attentions et d'amour, alors que son compagnon du moment se défausse et ne fait que lui reprocher son état de fatigue, et se plaint d'être traumatisé par le cancer qu'elle a elle...

Mettre en place le pacte de co-vivance

Le pacte de co-vivance est assez long à mettre en place. Parce qu'il passe par toutes ses démarches d'apprentissage. Apprentissage des limites, apprentissage des conséquences, apprentissage de l'entourage personnel ou professionnel et de leurs réactions.

Tout le monde se découvre dans ces sables mouvants. Il n'y a pas de réponse tant que les questions, les problèmes ou les limites ne se sont pas posées.

Après une première phase de déni, mon amie a commencé par beaucoup s'informer sur sa maladie. Les médecins ne lui diraient pas tout.S'informer lui permettait de savoir à quoi s'attendre, et les moyens dont elle disposait pour faire face. Elle s'est mise à appeler sa maladie "ma maladie", et à dire "je suis malade". À dire quand elle avait peur, aux personnes capables de l'entendre.

Une fois qu'elle a eu fait le "tour du propriétaire", mon amie a mis en place des stratégies, pour gérer les limites imposées, et retrouver le contact avec son quotidien normal.

Elle s'est mise à manger quand elle avait faim, pas aux heures où il fallait. Des choses qui lui faisaient plaisir, en évitant juste les aliments qui seraient compromettants (soja, sucres).

Pour sortir, elle a accepté qu'il fallait faire des réserves de sommeil: faire des siestes, dormir au retour du travail puis se lever pour aller en soirée, se coucher très tôt 2 ou 3 soirs avant.
Et qu'il faudrait aussi qu'elle mette en place des sessions "récupération", à dormir 12 à16 h durant 3 jours.
Elle a aussi mis ses amis -ceux qui étaient capables- à contribution.
Ils savent que si elle doit couper court à une invitation, à 21h00, qu'ils ne lui en tiennent pas rigueur.

Elle s'est habillée différemment, pour pouvoir gérer les coups de chaud et froid intempestifs et violents, en tout lieu. Avec des fruits secs dans le sac en cas de défaillance. Et toujours un éventail, ainsi qu'une petite serviette éponge. Elle s'est mise à rigoler de ces séquences, avec ses amies, dans leurs sorties filles au restaurant.

Elle n'a plus regarder que des films drôles, ou à grands effets qui stimulent son imaginaire. Elle a fuit les films qui replongent dans ce qu'on voit tous les jours.
Elle avait un don, délaissé. Elle s'est remise à s'y consacrer.

Elle s'est imposé de toutes petites, minuscules, petites marches, quand l'effort physique était si violent à faire que le sommeil tombait en moins d'une heure, et qu'il fallait forcer ses jambes à faire un pas, puis un autre, et un autre...

Peu à peu, elle a regagné du terrain. Grignoté de la forme, grignoté du moral, grignoté des envies et des projets. C'est ce qu'elle appelle son pacte de co-vivance avec la maladie.
Exploiter toutes ses ressources à elle, en les casant dans les limites imposées par le cancer. Ce qui lui a permis de repousser ces limites-là.
Aujourd'hui, le pacte de co-vivance est signé avec sa maladie.
Sa vie a pratiquement repris son court normal.
Sur le pacte figure aussi l'article suivant: "je ne sais pas jusqu'à quand il est signé. Je prends ce qui est à prendre, tant qu'il l'est."

Voilà, je trouvais bien de vous en parler. Si un jour vous êtes face au mur d'une maladie qui se dresse devant vous, du jour au lendemain, pensez-y.
Votre premier réflexe doit être d'imaginer votre pacte de co-vivance à vous.

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