dimanche 8 février 2015

Manipulations... jusqu'au hasard?

Synchrocinité: c'est quand le hasard fait bien (ou mal) les choses. Quand il y a coïncidence entre des faits, ou des idées, apparemment sans relation. Ces temps-ci, les hasards coïncidants me semble plus fréquents. Signe d'un temps de transition de notre planète? Mais quand les coïncidences se répètent, on commence à s'interroger: y aurait-il manipulation? La plus efficace des manipulations n'est-elle pas celle qui se déguise sous la forme du hasard pur? La vraie liberté passe-t-elle par l'éducation au sens critique?

Quand cinéma rime avec actualités

C'est le cinéma qui m'a menée à ces interrogations.
Car ces derniers temps, je trouve que la fréquence des thèmes coïncidants entre synopsis de films et actualités / documentaires, augmente curieusement.

Le tilt ce matin, à la lecture de la présentation du film 'Discount", sorti le 21 janvier 2015.
Or, depuis 10 / 12 jours, l'actualité se couvre des actions de collectifs dénonçant le gaspillage d'aliments jetés par les supermarchés, alors qu'ils pourraient être consommés. Et de documentaires sur le même thème.
Un des thèmes essentiels du film Discount...
Heureux hasard...

Mais si on prend en compte le temps de gestation d'un film, qui flirte avec 1 an, et souvent plus, ça commence à poser question. Un reportage d'actualités peut s'affranchir de ces délais, pour être réalisé et diffusé en quelques jours, ou même quelques heures.
On pourrait se dire que l'actualité cinématographique inspire l'actualité tout court.
Sauf que les documentaires eux, non, ils ne peuvent pas s'affranchir d'un délai minimum obligatoire de réalisation/production qui se compte au moins en mois.

Soyons braves: un hasard qui pose le même thème à la fois dans l'actualité, et dans les documentaires, au moment de la sortie d'un film, ça peut être pris pour de la synchronicité.

Mais quand cette synchronicité se répète et se multiplie?
Il devient facile à faire, le pas pour imaginer directeurs de programmation et directeurs de production, en train de discuter des "tendances idéologiques" à poser, autour d'un pastaga. Et pourquoi pas inviter réalisateurs, scénaristes, à cet apéro entre copains... Pour finir de planter le décor de ce scénario, plaçons-y quelques décideurs politiques qui auraient rédiger le carton d'invitation, en définissant un thème de table ronde...

Autre exemple: les récents évènements de Charlie Hebdo et du magasin casher de Montrouge. Une semaine après, recrudescence de documentaires et films sur le thème de la Shoah, des camps d'extermination, de la patrie juive... Louable, certes, et pertinente. Je ne reviens pas là-dessus.

Mais cette focalisation prend le dessus sur une autre réalité, qui elle, concerne tout un pays, et tout un ensemble de communautés: la réalité de la laïcité, un principe fondamental de notre Démocratie, et fondateur de notre République. Un principe servant de marche-pied à la tolérance. Au moins entre les religions.

De fait, le débat de société qui aurait dû suivre après les tristes assassinats des 7 et 8 janvier 2015, s'étouffe au profit de deux autres débats: celui de la sécurité de la communauté juive sur notre territoire,  et celui de ce qu'il faut dire et ne pas dire. Ce dernier remettant carrément en question le principe de la liberté d'expression et de penser, porté par de grands hommes: Voltaire, Jaurès, Molière...et unanimement reconnu en France, jusqu'à présent.

On a perdu de vue que ce qu'il faut défendre, en ce moment, c'est ce qui est porté par notre Démocratie, et a pris ses racines dans la Révolution de 1789: la laïcité.
Peu m'importe de savoir qui l'a inventée. Ce qui m'importe, c'est ce qu'elle a permis de construire. Et qui se retrouve mis en question aujourd'hui. La liberté telle que nous la concevons en France. Telle qu'elle inspire d'autres individus, dans d'autres pays en proie à des dictatures politiques, culturelles ou religieuses.

La laïcité est pour moi une condition essentielle de la Liberté telle qu'elle m'a  été enseignée, dans laquelle je me  reconnais, qui construit mes valeurs et mes principes. La laïcité est en danger. La liberté est de ce fait en danger. Attention donc aux façons de proposer et orienter les débats.
Particulièrement en ces temps troublés, où les crises économiques à répétition, ajoutés aux jeux de la finance, des lobbies, et des ententes de l'ombre, accroissent les détresses individuelles de façon exponentielle.

Ne nous trompons pas de débat

Je ne dis pas qu'il ne faille pas prendre en considération le problème d'insécurité de la communauté juive en France. Je dis qu'il dépend aussi, et même découle, d'un débat plus large et plus global, dont l'issue va déterminer nos choix de société, et ses équilibres / déséquilibres. Ceci dans un avenir très proche.
Une issue qui risque d'être non voulue, imposée par des réalités qui seront le résultat de l'accroissement des tensions, si nous laissons les "concordances" imposer des focales nous faisant perdre de vue le fond d'un problème qui nous implique tous.

Je dis donc aussi que la communauté juive n'est pas la seule à être en insécurité face au tournant de société qui se profile. L'ensemble des communautés est en insécurité: chrétienne, musulmane, croyants et incroyants...
En mettant le focus sur des points déterminés de l'actualité (et de l'histoire), nous sommes en train d'oublier qu'une présence trop forte des religions dans les rouages d'une société conduit systématiquement à des dérives pour la vie des individus qui la constitue. Ce contre quoi le principe de laïcité a été inventé.
Le présent comme le passé sont remplis de faits le démontrant: autodafés, tortures, inquisition, massacre de populations ou de communautés, assassinats d'opposants, guerres fratricides et j'en passe. La liste suffirait à remplir un volume de 500 pages au moins.

Quand la coïncidence éveille

Peut-être est-ce en soi une pure coïncidence. Peut-être toutes ces coïncidences sont-elles le fait de purs hasards.
N'empêche: je prends conscience que ces coïncidences, hasardeuses ou pas, sont de formidables leviers de manipulation de l'opinion publique. Ou de passage de messages qui contribueront à faire évoluer nos sociétés.
Le problème étant que ces évolutions ne seront pas forcément celles que j'aurais souhaitées. Ou  qu'une majorité aurait souhaitée.  Pire, elles pourraient ne pas être souhaitables!

Alors que certaines forces obscures "orientent" le chemin des débats de société, ça commence à me déranger. Qu'elles relèvent du hasard ou de quelques têtes agissant dans l'ombre.

Dans le premier cas, je me rends compte de la nécessité d'affuter son esprit critique, pour se rendre capable de prendre de la distance face aux évènements et aux idées posées par le biais des medias.
Dans le deuxième cas, j'aimerais qu'on m'annonce la couleur, et qu'il s'agit bien d'une vraie volonté concertée de poser un débat précis, en m'éclairant sur le thème abordé.
Car je ne peux constater qu'une chose: c'est que la façon dont ça se fait, à l'heure actuelle, place très souvent un filtre. Celui de ceux qui ont les moyens d'organiser, diffuser l'information, et de poser le débat selon  l'angle qui est le leur.

Dans ce cadre, les réseaux sociaux apparaissent de plus en plus comme un contre pouvoir. Avec ses atouts et ses libertés, mais aussi ses grands dangers: récupération, amalgames, incitations à la haine, arnaques, etc.

Le premier tournant de société à mettre en place me semble plus qu'évident: développer le sens de l'analyse et le sens critique des individus. Sans lui, les manipulations de masse sont largement possibles. Et faciles. De ces manipulations qui ont rendu possibles la Shoah.
La boucle est bouclée...

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